A situation exceptionnelle, initiatives exceptionnelles. Face à l’ampleur du COVID19, la mobilisation est non seulement totale, mais elle est en plus à l’origine d’actions et de comportements solidaires jusqu’ici inédits. C’est notamment le cas du côté de certains retailers qui se sont échangés des collaborateurs. Une pratique destinée à perdurer au-delà de la pandémie ?

Soumise à la fois à un afflux sans précédent de clients ainsi qu’à une augmentation des absentéismes de dernière minute dans ses rangs, la grande distribution a pu, dans certains pays, compter sur le renfort providentiel de “collaborateurs partagés”. Une solidarité inédite entre retailers qui illustre bien la façon dont chacun peut, dans un moment de crise, “faire sa part.”

Quand les employeurs chinois partagent des collaborateurs.

L’équation est simple : d’un côté, des secteurs entiers (comme la restauration, l’hôtellerie, le retail non alimentaire, le tourisme…) dont les salariés ne peuvent plus travailler. De l’autre, des supermarchés et des services de livraison totalement dépassés pour répondre à l’explosion de la demande liée au confinement. D’où l’idée de faire jouer à plein les vases communicants.  C’est notamment ce qui s’est passé dès le début de l’épidémie en Chine avec la multiplication des programmes de “partage d’employés”.


ALIBABA emploie les salariés des secteurs en crise le temps du covid19

L’idée consiste à autoriser officiellement les employés à appartenir à deux entreprises à la fois. Les salariés restent ainsi sous contrat avec leurs employeurs d’origine, mais sont rémunérés par l’entreprise qui les emploie le temps nécessaire. Un principe adopté évidemment par des groupes très structurés, au premier rang desquels on peut citer ALIBABA. Le géant du e-commerce chinois a ainsi employé des centaines de salariés de restaurants et de bars karaoké pour l’aider à assurer la préparation et aussi la livraison de produits, essentiellement alimentaires. Et la pratique s’est exportée au rythme de l’épidémie.


AMAZON fait travailler les chauffeurs LYFT pendant le coronavirus.

AMAZON, aux États-Unis, a ainsi annoncé en mars dernier être à la recherche de 100 000 personnes pour faire face à la demande. Des postes essentiellement logistiques et plus particulièrement liés à la livraison. L’entreprise de Jeff BEZOS est même allée plus loin en s’associant à LYFT. Elle a ainsi proposé aux chauffeurs de cette plateforme VTC de la rejoindre pour transporter et livrer colis et denrées alimentaires, en leur accordant notamment une augmentation temporaire de 2$ de l’heure. Un deal donnant-donnant, d’autant qu’on estime qu’aux USA, la demande de co-voiturage a subi dès le début de l’épidémie une baisse d’activité de près de 20%.


McDonald’s prête des salariés à Aldi.

En Europe, le partage de salariés s’est lui aussi mis en place, notamment en Allemagne. Ici, ce sont les employés des quelque 1 500 restaurants McDonald’s qui se sont vus proposer de rejoindre, le temps du confinement, les supermarchés hard-discount ALDI (plus de 2 400 points de vente sur le territoire allemand). Déployés dans les centres de logistique et d’approvisionnement, ces salariés McDonald’s ont été embauchés aux conditions habituelles d’ALDI et pourront, dès la fin du pic, retrouver leurs postes dans les restaurants au grand M jaune.


Et si le partage de salariés continuait ?

S’il est encore trop tôt pour mesurer précisément les éventuelles conséquences de cette coopération inédite dans la distribution, il est indéniable qu’elle a déjà permis, à la fois aux retailers alimentaires de faire face, mais aussi d’apporter aux salariés en difficulté, une alternative concrète et bénéfique pour les soutenir. Reste à savoir si cette nouvelle forme de flexibilité sera amenée à se renouveler. De son côté, le gouvernement chinois, conquis par l’initiative, réfléchit à réactiver le processus au moment des fortes périodes de consommation comme le single day (la fête des célibataires du 11 novembre) ou le Black Friday. Preuve en est qu’il y aura bien, même sur le marché du travail, un “avant” et un “après” covid19.